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Nom de domaine internet : une décision en faveur de la protection de l’AOP « Bordeaux »

L’INAO et le Conseil interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) ont obtenu gain de cause dans une procédure engagée depuis 2023 pour la protection de l’AOP « Bordeaux ». La décision du tribunal judiciaire de Paris du 20 février 2025 rappelle l’impossibilité d’une appropriation d’un nom d’AOP au sein d’un nom domaine de site internet constitué exclusivement du nom d’une AOP sans éléments distinctifs par ailleurs. 

Temps de lecture : 6 minutes
AOP "Bordeaux" ©CIVB / P. Cronenberger
AOP "Bordeaux" ©CIVB / P. Cronenberger

Un site internet commercial utilisant le nom de l’AOP « Bordeaux »

L’attention du CIVB a été attirée en 2022 par la création du site internet « www.lesvinsdebordeaux.com » destiné à commercialiser divers vins de la région bordelaise. Le CIVB a donc sollicité l’avis de l’INAO. Ce nom de site internet est apparu en effet très problématique.

  • Il comporte la référence « Vins de Bordeaux » alors même que les vins commercialisés ne sont pas tous de cette AOP ou autorisés à faire référence à l’unité géographique plus grande « Vin de Bordeaux » (par ex : les vins des AOP Médoc, St-Estèphe, Pauillac, St-Julien, Margaux…)
  • Il est constitué exclusivement de la référence à l’AOP « Bordeaux », sans autres éléments distinctifs par ailleurs, constituant en cela une appropriation indue de l’AOP et laissant penser qu’il s’agit d’un site officiel dédié aux vins de cette AOP.
  • Il est très proche du nom de domaine du site internet du CIVB, www.bordeaux.com.
     

Le CIVB a adressé une lettre de mise en demeure au titulaire en vain et a donc demandé l’appui de l’INAO pour intervenir. Début 2023, l’INAO et le CIVB ont assigné la société concernée devant les juridictions civiles.

La justice retient une exploitation de la réputation de l’AOP, une usurpation de l’appellation ainsi qu’une tromperie du consommateur.

Dans sa décision, le TJ de Paris fait droit à l’essentiel des demandes du CIVB et de l’INAO.

Le nom de domaine et l’enseigne « lesvinsdebordeaux.com » constituent une exploitation de la réputation de l’AOP. Ils caractérisent donc une atteinte à celle-ci, même si l’opérateur commercialise effectivement des vins d’AOP Bordeaux, compte tenu de l’absence d’éléments distinctifs en dehors du nom de l’AOP. 
 

L'usage, à la fois comme nom de domaine et pour désigner à titre d'enseigne un site de vente en ligne et son contenu, de l'appellation "Bordeaux", à laquelle sont adjoints les mots " les vins de ", ce qui est de nature à renforcer le lien avec l'appellation, caractérise non seulement une appropriation illicite de l'appellation, mais aussi une utilisation commerciale directe et indirecte de celle-ci, cette utilisation manifestant une exploitation de sa réputation, peu important que de nombreux sites utilisent le terme de " Bordeaux " dans leur nom de domaine ou à titre d'enseigne.

Extrait de la décision du tribunal judiciaire de Paris du 20 février 2025

Par ailleurs, l’utilisation de l’appellation « Bordeaux » pour désigner un site qui propose à la vente - outre des vins bénéficiant de cette appellation - des vins qui n'en bénéficient pas, constitue une usurpation de l'appellation mais aussi une tromperie. 

Le fait pour cet opérateur, d'utiliser celle-ci pour désigner un site ne vendant pas exclusivement des vins de cette appellation caractérise une usurpation, ainsi qu'une tromperie au sens de l’art 103§1 a, b et d). Il importe peu que l'origine véritable de ces vins ne pouvant bénéficier de l'appellation soit indiquée clairement sous les mentions " Vins de France " ou " IGP Vins des pays de l'Atlantique " dans le descriptif qui accompagne chacun d'eux sur le site internet ou encore qu'il s'agisse uniquement de vins issus du même territoire que les vins couverts par l'AOP " Bordeaux " et mis en ligne par les mêmes producteurs pour écouler leur production, notamment, de seconds vins qui ne peuvent pas bénéficier de l'appellation. 

Extrait de la décision du tribunal judiciaire de Paris du 20 février 2025

En revanche, le tribunal ne retient pas la pratique commerciale trompeuse à l’égard du site internet du CIVB ni le risque de confusion vis-à-vis de celui-ci.

Le Tribunal ordonne la radiation du nom de domaine et l’interdiction d’usage à titre d’enseigne de la dénomination « lesvinsdebordeaux.com » ou toute autre dénomination susceptible de permettre à la SAS LVBD de profiter de la réputation de l’appellation « Bordeaux ».

Une décision conforme à la jurisprudence sur la protection des AOP sur internet

Cette décision rappelle la non-possibilité d’appropriation du nom d’une AOP, y compris par un opérateur commercial de l’appellation, compte tenu de la protection de l’AOP et du caractère collectif de ce droit de propriété intellectuel. Ainsi, elle est conforme à la jurisprudence obtenue ces dernières années, notamment dans le cadre d’un contentieux similaire au sujet de l’AOP « Piment d’Espelette – Ezpeletako Biperra »

Photographie d'un verre de vin ©Anna Bratiychuk sur Unsplash
Photographie d'un verre de vin ©Anna Bratiychuk sur Unsplash

Par ailleurs, elle explicite clairement qu’une telle appropriation constitue une exploitation de la réputation de l’AOP, y compris par un opérateur commercial de l’appellation. Ce point est d’autant plus important qu’il est souvent invoqué par les parties adverses.

En ce qui concerne l’usurpation vis-à-vis des vins ne bénéficiant pas de l’AOP « Bordeaux » ou non autorisés à utiliser cette dénomination, cette décision est conforme à la jurisprudence et a le mérite de rappeler qu’il est vain de justifier d’une légitimité de provenance ou d’explications apportées par ailleurs sur le site internet pour écarter une usurpation. 

Cette décision est encore susceptible d’appel.


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